L'opération jumelles

Dès mon retour de la rencontre des huit imjuhad que j'avais sauvés de la mort alors qu'ils étaient chargés d'évacuation du maquisard blessé qui se trouvait dans notre abri, toutes les femmes prirent les choses au sérieux en un temps record. Elles me roulèrent dans une natte en alfa et me posèrent sur le haut d'un large agragu (cellier à blé de forme carrée). Dans l'étroitesse de cette natte en alfa, j'étais semblable à un coq qu'on venait d'égorger. Il s'ébrouait et fait encore quelques bonds avant de retomber pour rentrer dans la mort. Sentant ainsi, vraiment la mort promise par le goumier, arrivée à mes narines, je n'étais plus rétive et irascible, je songeais plutôt aux mondanités. Finalement l'être vivant peut s'habituer à tout jusqu'à ce que le cauchemar devienne une partie du corps et de l'âme. Nos femmes s'adonnaient à ce moment-là à la prière et à la méditation, implorant Dieu et nos saints de nous délivrer. Quant à moi, dépouillée de tout courage, je tombais dans une sorte de prostration et en quelques fractions de seconde tout s'enténébrait dans l'image de la mort. J'avais le cœur pantelant.

Yemma Dehvia est née le 22 avril 1948 à Ath Ali Outhmim à Tuvirett. Elle fut excellente élève à l'école coranique, fréquentée pendant une année. Son frère l'empêcha ensuite de poursuivre les études car dans son village natal on n'instruisait pas les filles. Elle est à la fois poétesse, cantatrice et narratrice talentueuse des légendes et contes.